De ces matins gris, nuageux, oppressants, qui vous font reconnaitre la supériorité du temps et des éléments. De ces matins, qui vous donneraient la lucidité nécessaire pour écrire votre nécrologie en 453 mots. Une vision de fin tranquille. Qui évacueraient de vos vies les demi-réussites, les ratés, les turpitudes secrètes – elle aimait ceci, a voulu cela, s’est battue pour ça. Ces matins décalés qu’alimente le grondement des vagues au loin, dénoncé par le vent.
Le face-à-face avec une tasse rouge chargée d’histoire futile – Amsterdam, octobre 2011, nuit agitée. Le silence qui laisserait penser qu’aucune corde ne noue le quotidien. Le doute plane, les mouettes s’amusent des courants d’air. Un matin. Silencieux. Un matin que l’on voudrait étendre jusqu’à avoir fait le tour de ses faiblesses, des ses failles. Un matin.
Et puis cette image revient. Ramenée d’un pays lointain. Une immense file de taxis immobiles, vert et blanc. Une immense file que l’on remonte. On compte. Un taxi, deux taxis, trois …dix … vingt-quatre …soixante-sept … quatre-vingt-trois … cent-deux. Le dernier taxi se gare, rapide, et klaxonne. Pour activer la file. Impatient, plein d’espoirs.
Oui. La vie file, abime nos âmes, nos corps. Mais elle nous laisse vivant, multiple, patient, tenace. Elle nous donne ces occasions de faire et défaire. De faire et refaire.
Bien. Le coton gris couvre toujours l’horizon. Mais il est doux. Les lumières s’allument, les portes s’ouvrent, le silence s’éclipse.