Certains auteurs vous touchent plus que d’autres. Certains thèmes vous bousculent plus que d’autres. Réparer les vivants de Maylis de Kerangal réussit cette double prouesse et figure désormais dans les chefs d’oeuvre de ma bibliothèque. Qu’en dire… Maylis de Kerangal tisse son sujet, avec un style dense, elle vous fait toucher du doigt et du coeur ce que ses personnages traversent. Un style qui ne vous laisse pas une minute regarder ailleurs. Maylis de Kerangal s’attaque au don d’organes. Un sujet difficile, tabou, qui démange, en appelle à nos démons, à nos croyances. Point de cliché ici, rien qui n’use la corde sensible et facile du lecteur. Juste un regard intelligent, chargé d’histoire et de sens sur les vagues successives que subissent les personnages entourant un corps de donneur, des parents aux chirurgiens. Bien fort celui qui résistera sans ciller à ces immenses moments d’humanité. Une mère qui annonce la mort de son enfant à un père silencieux, provoquant ainsi l’éclat de leur monde. Un chirurgien qui fait valser scalpel, pinces, gants, et duquel surgit un geste bouleversant, sur ce corps inanimé et donnant. Les questionnements intenses d’une receveuse de cœur, terrassée à l’idée de ne pouvoir jamais dire merci au donneur…Un livre immense, beau. On s’y rappelle nos fragilités de mortels, et le goût délicieux de nos instants de vivants.
A lire tranquillement : “Réparer les vivants” de Maylis de Kerangal, Collection Verticales, Gallimard, Parution : 02-01-2014