Elle se tient assise. Jambes croisées. Son voisin la détaille, regard en biais. Elle l’ignore, elle ne le connaît pas. Ils partagent accidentellement le silence d’un banc, face à la mer. A droite, vue sur un golf bordé de pins marins. A gauche un pont de fer. Grossier, énorme.
Son cœur bat irrégulièrement. Un peu à la manière d’un tambour fatigué, parfois vaillant, parfois terrassé. Ses sourcils se froncent derrière de larges lunettes de soleil – reflets de la Méditerranée obligent. Son visage est concentré. Sur ces battements rebelles.
Sur les oreilles, un ipod d’occasion lui offre une mélodie acoustique. Vient avec, une sensation particulière d’avoir surpris les musiciens en répétition, dans une salle déserte. Guitares et voix sèches. Le violon lui arracherait presque une émotion si elle n’avait cette contrariété, ce cœur capricieux.
Son voisin a maintenant les yeux fermés. Paupière ridées. Bouche tordue vers le sol. Mains croisés sur le ventre. Son auriculaire gauche pincé de deux alliances en or.
Elle se sent seule. Sentiment rare. Et soudain effrayant. Elle écoute ses percussions intérieures : poum, poum, poum, (rien), poum, poum, (rien), poum… C’en est trop, semble lui dire son cœur. C’en est trop de cette vie. Trop complexe. Gourmande. Changeante. Percutante. Entachée de compromissions. Pleine d’absents. De vivants. De vide. C’en est trop. Son cœur ne bat plus en accord avec ce monde. Monolithe pesant et sourd. Impossible à supporter une minute de plus.
Ici. Elle ferme les yeux. Attend le prochain battement de cœur. Qui tarde à venir.