4h42.
Un tramway gronde au loin.
La ville vacille sous une lumière blanche et orangée.
Silencieuse.
Les rues n’abritent que quelques ombres, titubantes, défoulées.
Le parquet ne craque plus, abandonné depuis longtemps.
Place, faites place, entend-on.
J’ai des choses à dire, des questions à poser, des tapis à soulever.
D’abord.
Cet ouvrage. Il avance ?
Hier. Ce regard, que voulait-il dire ?
Demain. Pourquoi y aller ?
Lundi. Par quoi commencer ?
Le monde. Cette guerre ne s’arrêtera jamais ?
La vie. Elle s’arrête. On le sait. Merci.
On se tourne.
Laisser défiler les bataillons d’interrogations. Dédaigner les soulèvements. Penser aux rivières apaisantes. Aux sourires satisfaits.
Oui mais.
Cet ouvrage. Il avance ?
Cette attitude. Tu n’as pas honte ?
Cette insolence. Jusqu’à quand ?
On se tourne. Sourcils froncés.
De la force, il en faudra.
Du sommeil, on en manquera.
Cette famille, on la tuera.
Les idées piétinent.
Si au moins on pouvait démêler là tout de suite, l’écheveau des pensées contraires.
Mais la nature nous laisse endolori, couard. Du jus de navet dans les bras, une enclume sur les paupières.
L’esprit en éveil. Trompé, biaisé.
La colère monte. Les cibles du matin s’alignent. Tous y passent.
On se tourne. On cherche son air.
On scrute une raison dans les motifs flous du tapis persan.
On se drape d’optimisme.
Demain est un autre jour.
On se tourne.
Oui.
On se tourne.
Non. Rien ni personne ne viendra nous sauver.
On se tourne.
Personne.
Le plafond blanchit. Le tramway repasse.
On se tourne. Jusqu’à ce que le plancher craque à nouveau.