[Musée] Niki de Saint Phalle, une Grande Femme, au Grand Palais

Niki de Saint Phalle est une belle femme, qui sait bouger, s’exprimer, avec grâce, mais pas que. Niki de Saint Phalle sait aussi recevoir les visiteurs de l’exposition au Grand Palais. Elle les attend en haut de l’escalier conduisant à la première des cinq salles consacrées à ses œuvres. Elle sourit sur un écran, puis nous vise de sa carabine. Elégante et calme.

Niki de saint phalle fusil rondOn l’aura compris Niki de Saint Phalle, n’est pas une femme ordinaire. Née en 1930, décédée en 2002, sensible, bouillonnante, intelligente, elle interroge son temps par sa création. Ce temps qui a intégré la révolution industrielle, a éteint les conflits armés en Europe, découvre les joies de la société de consommation, et oublie de se pencher sérieusement sur la condition des femmes. Que sont les femmes ? Jeunes filles à marier, épouses sérieuses, mères, puis rien. Des corps pratiques et beaux, soumis au pouvoir des pères, des époux. Des corps écartés de la mise en œuvre du monde, concentrés sur les fonctions de reproduction et de gestion domestique. C’est en bref ce que Niki de Saint Phalle exprime dans ses œuvres les plus revendicatrices. Sa voix baigne les salles d’exposition, elle explique inlassablement. En français, en anglais. En collage, en peinture, en sculpture.

niki_s_phalle_white_goddess– The White Godness (1963) – Un assemblage de laine, poupée, animaux insectes, fleurs, recouvert de blanc.

 niki de saint phalle leto ou la crucifixion– Leto ou la Crucifixion (1965) –  Une représentation de la femme objet de désir et mère.

niki de saint phalle la toilette– La toilette (1978) –  Une sinistre séance de maquillage pour une femme à tête de squelette

Certes, Niki de Saint Phalle est animée d’une violence, d’une protestation, mais elle dispose d’une énergie, d’un bouillonnement créatif, et propose aussi des pistes à travers ses créations. Les Nana, femmes épanouies, constituantes potentielles d’une société matriarcales. Ces statues immenses sont rondes, colorées, et de l’avis de tous joyeuses. On suivrait volontiers leur pas joyeux, leur danse vers le ciel. Niki de Saint Phalle a su imposer ses Nana partout dans le monde, on les retrouve sous tout pretexte, statues de papier, polystyrène, mosaïque, ou construction gigantesque intégrées dans des paysages, des parcs, des musées, ou encore poupée de chiffon dans les mains d’enfants du monde entier. les Nanas recouvrent le monde – faute de le diriger.

 Niki de saint Phalle dolores– Dolores (1968-1975) –  Une des célèbres Nana …

niki_de_saint_phalle_nanaUne Nana de l’œuvre Les Trois Grâces,1995-2003 – Mosaïque et argentée

Le couple subit également son regard lucide et critique. En témoigne cette sculpture de mariés endimanchés, qui promènent leur amour, symbolisé par une bête noire effrayante, rehaussé d’un cœur rose – so girly. Mais Niki de Saint Phalle n’exclue pas la générosité ou l’amour de son œuvre. On trouvera donc de ci,de là quelques signes (heureux) d’apaisement.

Niki de saint Phalle promenade du dimanceh– La promenade du dimanche (1971) – Une ode à la tristesse des couples

niki de saint phalle vive l'amour

– Vive L’amour (1990) – Un dessin coloré et joyeux…

Enfin, Niki de Saint Phalle a beaucoup joué le jeu de l’installation. Sa mise en spectacle favorite fut, un temps, une technique requérant un fusil. Après avoir assemblé et collé des objets contenant chacun de la peinture, l’artiste tirait sur ces préparations, et créait ainsi en direct, sous les yeux des spectateurs des œuvres d’art colorés. Les films qui rapportent ces séances de création mêlent un sentiment de violence et de force créatrice. Les coups de feu répétés. La peinture qui coule, gicle, goutte, glisse. La foule qui acclame, commente, se bouche les oreilles. Niki vise, tire, et l’œuvre se créée.

Niki de saint Phalle séance de tir– Grand Tir, Séance de Stockhom 1961 – au premier plan

Afin de comprendre la force avec laquelle Niki aura mené son combat toute sa vie, on pourra retenir une des tirades qu’elle prononce dans un de ses court-métrage nommé Daddy, datant de 1972, où elle figure l’assassinat de son père. Elle tire au fusil sur une de ses œuvres en devenir, et récite avec froideur et retenu un texte bouleversant, dont je reproduis ici une traduction personnelle : “Good bye Daddy, ça n’a pas marché, ça n’est pas grave, les esclaves se sont libérés, et profitent maintenant de leur pouvoir, comme tu as profité du tien.” Une déclaration d’autant plus saisissante que Niki écrira plus tard dans un livre autobiographie que son père avait abusé d’elle alors qu’elle était âgée de 12 ans.

L’exposition est rythmée, merveilleusement installée, chaque pièce recréant une époque, une ambiance. La parole et l’écriture de Niki de Saint Phalle y ont une grande place, ce qui permet de comprendre son énergie créatrice. Rendez-vous donc sans hésiter à cette exposition au Grand Palais [1]. On pourra également redécouvrir l’oeuvre complète de Niki par le catalogue très complet de l’exposition [2], suivre sur les réseaux sociaux #NikideSaintPhalle [3] ou effleurer l’émotion des visiteurs sur Instagram [4], et jouer avec l’appli android [5].

[1] http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/niki-de-saint-phalle

[2 ] http://www.boutiquesdemusees.fr/fr/librairie/niki-de-saint-phalle/7284.html?par=113

[3] https://twitter.com/search?q=%23NikideSaintPhalle&src=tyah

[4] http://instagram.com/grandpalais_rmn

[5] https://play.google.com/store/apps/details?id=fr.rmn.expoNiki.fr

Note : les autres billets sur mes visites de musée : https://poulpita.com/tag/musee/

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