mots

Esprit Tout Puissant

ange au sourire by Jean Yves Morvan

Esprit.
A portée de l’âme.
Puissant.
Le paradis sur terre, ici et maintenant.
Le nord vire.
Cette petite dame quitte la terre, tout de suite.
La chute ne guette personne.
Je pars demain.
La foule bienveillante.
L’eau comme ressource infinie.
On s’en fout.
Esprit tout puissant.
Vous me ferez quatre #cestpasdemafaute et deux #lamortnexistepas.

Vues du ciel

bout d aile by marillaume

 

Alaska. Vu du ciel. 10 000 mètres au dessus de la glace.
Ici et là, des mares bleues, dans lesquelles plongent les falaises blanches de glace. Parois lisses et ondulées, os de seiche géant glissés, pointe vers le bas. Sur les étendues d’eau les plus accueillantes, des confettis blancs flottent. Polystyrène de nuages gelés. Là, quelques motifs de flocons aux branches glacées.
La glace est maintenant grise, salie. On prend pied. Terre. Terre. Montagne timide, poil d’ours pelé. Les reliefs s’accentuent, ciselés de route blanches – posées sur les crêtes, ou gisant au fond des vallées. Nulle âme qui vive pour les arpenter.
Voici les plaines fertiles. Cultures en forme d’assiettes rondes, vertes et betterave. Les parcelles sont comme tracées au compas, un quart en jachère. Ainsi donc, on survole une tribu de Pacman géant. Au loin la couverture douillette des nuages. Un mont dépasse, pointu et enneigé. A 500 kilomètres de là, son frère jumeau, à portée de souffle.
On glisse longtemps sur un velours verdâtre, un peu roussi et égratigné, avec des marques de vieux plis, des restes de peaux mortes. Sec et plat. Les routes sont tantôt droites, bonnes écolières, tantôt tortueuses, rattrapées par la réalité. Puis un patchwork jaune et brun, cousu d’éoliennes blanches, courtes sur patte. Où que l’on regarde maintenant, on trouve une ligne droite pour rappeler l’homme.
Deux lacs de montagne séparés d’une colline. Vue d’en haut, ils figurent les yeux irréguliers d’un fantôme. La carrière qui les surplombe me sourit. Au loin, une ville, dans la poussière. Pour y arriver, une ligne, ni droite, ni infinie, mais vue du ciel, on se berce d’illusions. Une ligne imperturbable, tracée à la règle entre deux dorsales montagneuses.
Des flaques de sable ocre et d’eau pure des montagnes perturbent les forêts. Une petite rivière sombre et frisée boucle et re-boucle, bravant la mode du chemin le plus court. Elle dessine un trait large et vivant. Une esquisse de nature au fusain noir. Le trait s’interrompt, coupé par un tourbillon d’arbres et de rochers tenus au respect par une route en cercle.
Un champ de pointes brillantes et chromées. Armure posée à terre. Aucun doute. Il s’agit d’une zone industrielle. Adossés, des losanges de routes à quatre voies. Les champs ronds, carrées, rectangles s’emmêlent, une maison à chaque coin.
Encore quelques montagnes coniques à collerette blanche, une course de haie au dessus de massifs montagneux creusés de Colorados, un ou deux cirques poussiéreux. Et on y arrive. Le Pacifique ourlé d’écume. Une langue de terre recouverte de maison-dominos, longée d’une tresse d’autoroutes. Un coup d’œil vers le ciel bleu, et on aperçoit au loin le pont qui traverse la baie de San Francisco. Immense ponton, à fleur d’eau. Brumeux. On plonge vers la mare verte.
SFO. Terminus.

Note : photo by Maurillaume ‘Bout D’Aile’ en CC https://www.flickr.com/photos/marillaume/

 

[Mots] Mort aux soupirs…

détail tour saint jacques philippe leroyer

Du vent, des vagues, des hautes tours,

Ouvrez les trappes, issues de secours,

Libèrerez là, vos vils instants,

les pires démons, les plus tranchants.

La danse des larmes, les rires grinçants,

Transmutez-ça en bon vieux temps.

Ouvrez les yeux, restez sans âme,

A grand jet d’eau, ouvrez les vannes,

Désincarnez ce vide noir,

Ce flou, ce gris, ce voile, ce soir.

Eclairez-vous, brûlez tout ça,

Faites en donc un feu de joie.

Redonnez-vous de l’innocence,

Accordez-vous du temps, du sens.

Note :  photo de Philippe Leroyer, détails de la Tour Saint Jacques.

[Mots] Lectures Intimes

livre

Allongée sur le banc blanchi d’une station de ski désertée. Le livre balance au bout de mes mains, au dessus de mon visage. Pages crème. Mots alignés, patients, précis. Le grain Gallimard. Mes yeux s’égarent parfois dans le feuillage d’un érable rougeoyant qui m’abrite du ciel. Les lignes sont douces. (more…)

[Mots] En attendant le prochain battement

Elle se tient assise. Jambes croisées. Son voisin la détaille, regard en biais. Elle l’ignore, elle ne le connaît pas. Ils partagent accidentellement le silence d’un banc, face à la mer. A droite, vue sur un golf bordé de pins marins. A gauche un pont de fer. Grossier, énorme.

Son cœur bat irrégulièrement. Un peu à la manière d’un tambour fatigué, parfois vaillant, parfois terrassé. Ses sourcils se froncent derrière de larges lunettes de soleil – reflets de la Méditerranée obligent. Son visage est concentré. Sur ces battements rebelles.

Sur les oreilles, un ipod d’occasion lui offre une mélodie acoustique. Vient avec, une sensation particulière d’avoir surpris les musiciens en répétition, dans une salle déserte. Guitares et voix sèches. Le violon lui arracherait presque une émotion si elle n’avait cette contrariété, ce cœur capricieux.

Son voisin a maintenant les yeux fermés. Paupière ridées. Bouche tordue vers le sol. Mains croisés sur le ventre. Son auriculaire gauche pincé de deux alliances en or.

Elle se sent seule. Sentiment rare. Et soudain effrayant. Elle écoute ses percussions intérieures : poum, poum, poum, (rien), poum, poum, (rien), poum… C’en est trop, semble lui dire son cœur. C’en est trop de cette vie. Trop complexe. Gourmande. Changeante. Percutante. Entachée de compromissions. Pleine d’absents. De vivants. De vide. C’en est trop. Son cœur ne bat plus en accord avec ce monde. Monolithe pesant et sourd. Impossible à supporter une minute de plus.

Ici. Elle ferme les yeux. Attend le prochain battement de cœur. Qui tarde à venir.

[Mots] Je crois que je vais l’inviter pour le thé, demain.

balcon_marseillaisMon voisin est mort. On avait le même âge. 64 ans. C’était dimanche dernier. Et depuis, je ne suis pas allé voir sa veuve.

D’abord, j’étais pas censé savoir ! Je revenais du loto, organisé par les autres vieux du quartier. J’ai croisé l’assistante de vie dans les étages. Une brune, bien bronzée. Elle m’a fait une indiscrétion. J’avais rien demandé. Enfin. J’avais peut-être le regard interrogateur. Elle a craché le morceau. Les pompiers. L’hôpital. La mort. Tout seul. La nuit. Mais j’étais pas censé savoir.

Ma voisine a même pas mis de faire part, dans l’entrée de l’immeuble. Je sais même pas quand a eu lieu l’enterrement. Je peux pas monter la consoler. On est inconsolable dans ces temps-là. J’en sais quelque chose. Imaginez. Faire la soupe plus que pour un. Enfin deux. Pasqu’elle a toujours son fiston à la maison. Il est spécial, lui. Je préfère pas commenter. Non. Vraiment, entre lui et son mari, elle était pas gâtée.

Son mari. C’est bien simple. Après vingt ans à l’entendre traîner ses chaussons du matin au soir au dessus de ma tête, je l’appelais toujours Monsieur. Pas Monsieur Ferrer. Non. Monsieur. Tout court. Il était froid, et hautain. Des grandes lunettes en plastique marron. Haut et vouté. Pied noir. Le teint rouge brique.

C’était du style qui a travaillé toute sa vie dans des bureaux du ministère. Qui a du traverser la méditerranée pour refaire sa vie. Qui pensait mériter sa retraite, plus que n’importe qui. Sa retraite ? Faire des courses avec sa petite voiture. Regarder la télé. Un repas, une fois par mois, avec sa sœur et ses trois caniches. Et basta. Ça rigolait pas souvent, au-dessus.

C’était du style qui commence par vous serrer la main quand vous êtes monté en urgence le relever du carrelage des toilettes, parce qu’il s’est vautré, et ne peut plus se relever. Tout rigide, plein de principes. Et vide dedans. Pas d’étincelle. Rien. Une carcasse. Alors qu’il soit mort, ça fait pas grande différence.

Enfin si. Pour sa femme. Hier soir, en fin de journée, elle était sur le balcon. A côté de l’étendoir à linge. Elle était toute pensive. Elle regardait les arbres de l’avenue. Je l’avais jamais vu faire ça avant.

On s’est dit bonsoir. Elle a presque souri. Je crois que je vais l’inviter pour le thé, demain.

Notes :

Photo ‘Balcon Marseillais’ de Ivan Lukasevik http://www.flickr.com/photos/ivanlukasevic/

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[Mots] Jetlag

A bout de souffle, il ouvrit les yeux brusquement. Le premier panneau qu’il aperçut à travers la vitre crasse indiquait : Amphitheatre Parkway. Lettre blanche sur fond vert. Où était-il ? Oui. Le taxi filait sur la route 101. Au volant, un indien, à l’anglais bondissant. Rien en comparaison des amortisseurs de son antique Chrysler. Siège en sky, fenêtre tremblante. Ses oreilles sifflaient. Et vibraient aussi. Un vrai chantier miniature. Ses genoux se cognaient à chaque changement de file, ses jambes sans force ne suivaient pas la cadence. Il referma les yeux. Taxi, avion, un second, taxi. Encore vingt heures de voyage. Il eut un bref haut le cœur. La fatigue. Une étrange sensation d’avoir oublié quelque chose, quelque part. Les prochaines heures lui semblaient insurmontables.

Il essaya de se détendre mais son corps était déjà mou. Flasque, aussi. Une vague de détails détestables l’assaillit. Ceux qu’il évitait soigneusement de noter dans ses moments d’intimité. Son poids.  Ses cernes. Ses rides. Ses poils du nez. Indomptables. Fallait-il vraiment vieillir ? Devait-on vraiment mourir ? D’épuisement, oui, sans doute. Une série d’évidences s’imposât à lui. La vacuité de ce voyage. La futilité de ses récentes conversations. Il se sentait loin de tout, à l’opposé de lui-même, et certainement pas au bon endroit. Même les yeux fermés, rien n’allait. Ses pieds gonflés et chauds, ses épaules glacées, ses cheveux fouettant de manière insupportable ses tempes. Son squelette lui semblait être un montage de bâtons épineux mal ficelés.

Il chercha un peu de réconfort dans le souvenir de quelques moments habituellement agréables. Cette grande brune, qui lui avait un peu trop souri pendant le dîner, la veille. Ses enfants qu’il prendrait dans ses bras avant la fin de la semaine. Rien. Il se sentait vide. Il observa le visage des inconnus au volant des imposantes voitures que son taxi côtoyait. Un passager par véhicule, une file infinie de pare-chocs. Le monde était-il devenu fou ? Il sut ce qu’il avait perdu. Le sens. Le sens de tout cela.

Un nouveau panneau. Blanc sur vert. SFO Airoport 10 miles. Ensuite, 6 000 miles en vol. Le voyage serait long.

Note : Lire les autres textes littéraires sur ce blog https://poulpitablog.wordpress.com/category/art-fr/

[Communauté] Vous aimez les mots ? Vous aimerez WeLoveWords !

ImageL’écriture. Un moment où l’on se regarde droit dans les yeux et on met à plat ce que l’on a en soi, ce qui nous interroge, ce que nous ne saurons jamais résoudre, ou ce qui nous paraît acquis.

Toutes les occasions pour pratiquer les mots gagnent à être cultivées. Ecrire une lettre, démarrer une nouvelle, contribuer sur les réseaux sociaux, participer à un atelier d’écriture, tenir son journal – numérique ou papier. N’en déplaise aux adorateurs de l’objet livre et de l’encre et la plume, aux anti-numérique, les mots quels que soient leur forme ont la même valeur. Tous égaux : un texte posé sur la toile, un manuscrit resté dans un tiroir, une page glissée dans la boîte aux lettres d’un crieur de rue (d’ailleurs, les usages se jouent de nos frontières, puisque de nos jours, les crieurs de rue crient également des tweets dans les rues de Paris #jdtap).

Nous aimons les mots. Saluons toute initiative promouvant l’écriture collective ou singulière. Saluons la plateforme WeLoveWords. Cette plateforme vise à réunir les écrivains, paroliers, musiciens, poètes, ou tout individu qui souhaite partager sa production avec les autres, ainsi que les lecteurs. En théorie, la terre entière, donc. C’est un endroit idéal, ouvert 24 heures sur 24, pour proposer et pour lire des œuvres. Des petites, des grandes. On y trouve tous les genres, tous les styles. Le mot y domine largement, mais on pourra poster des photos, des musiques, des vidéos. La plateforme permet de butiner les œuvres par thème, par auteur – dont le profil est consultable, par genre, par fil chronologique. On se laisse volontiers porter par le hasard. La quantité de textes postés, de nuit, comme de jour, laisse imaginer le nombre de chambre envahies par les pensées, le plaisir de coucher sur un écran ses rimes, ses phrases ciselées, son intime ou ses rages.

Des services. We Love Words, ne se contente pas d’être un répertoire d’œuvres, WeLoveWords anime cette communauté d’auteurs en herbe ou confirmés en proposant

– des appels à collaboration: je suis un grand parolier, et je cherche un immense musicien ; auteur de théâtre avec pièce sous le bras cherche comédien, …

– des annonces d’évènements,

– un service (payant) pour protéger ses œuvres,

– des concours de nouvelles, de poème, de roman, en association avec des maisons d’édition ou des acteurs de la presse écrite (numérique ou papier).

Sur WeLoveWords, on se fait des amis aussi. Enfin … on se crée un petit salon de lecture, par affinité, on s’échange des textes, on s’interpelle à voix basse, dans une ambiance feutrée – étonnamment épargnée du bruit des commentaires inutiles. Une ambiance qui sied parfaitement à la dégustation de mots.

Une aventure. L’histoire même de WeLoveWords mériterait une ôde : développée au sein du Labo de l’édition. Une initiative lancée il y a deux ans, une aventure humaine, un projet talentueux. Parce que nous grandissons tous lorsque nous faisons l’effort de passer plus que quelques minutes à creuser une idée, la mettre en mot, oser la partager, WeLoveWords mérite toute l’attention des auteurs du petit matin et des nuits trop longues.

Note : pour les curieux, mon compte sur WeLoveWords http://www.welovewords.com/poulpita

[Mots] Baie de pirates

Plage de galets. Galets brillants, satin au toucher. La musique des vaguelettes. Sans période, ni régularité, notes aléatoires. A vous faire oublier les rythmes de la ville, les cadences de l’usine, les tambours du matin, le sifflement de la civilisation. A vous faire perdre la tête. Oublier d’où l’on vient, où l’on va. Enfin. S’apaiser.

Une collection de bouées. Rouge. Blanche. Ronde. Haute. Couchée. Oscillant sur la surface marine. Hirondelles, mésanges s’égayent derrière le souffle d’un vent léger. Vol de papillon.

Une vache brune s’aventure pour quelques feuilles. Fenouil géant, broussaille de chêne vert, genêt, asphodèle, surplombent des escaliers chaotiques de roche rouge. La falaise accueille des pins équilibristes, des oliviers suicidaires, des coulées vertes agiles.

Sur la plage, ici et là, quelques troncs polis par l’hiver et la solitude. Des amas de branches cassantes lovés sur une vague de cailloux. Souvenir de tempête. Les galets font par magie des ricochets. Des rires. Une baie de pirates. Tous les trésors du monde réunis en un seul lieu.

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